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AVIS : L'oubli que nous serons - Héctor Abad

Publié le par Nik'talope

Ma chronique sur Intagram est ici🇨🇴👨‍👦

Photo Instagram niktai_mots_de_tete
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Pour mon cours d'espagnol, j'ai dû lire un livre parmi trois autres, et faire un travail de groupe analytique. C'est une de mes camarades qui a choisi ce livre-ci, elle a eu un bon œil ! 👁

 

L'Oubli que nous serons de Héctor Abad, Gallimard (Folio), 2010, 390 pages
L'Oubli que nous serons de Héctor Abad, Gallimard (Folio), 2010, 390 pages

 

De quoi ça parle ?

 

Cette autobiographie est une chronique familiale remplie de joie, de complicité, de bonheur mais aussi de drames, que ce soit dans la sphère intime ou à l’échelle du pays. Abad nous fait moins le récit de sa vie que de celle de son père, de ses engagements politiques et de sa famille. Un hommage à son père mais aussi aux anonymes qui ont œuvré à la paix utopiste du pays, traqués et/ou assassinés.

 

Mon avis

 

Dans une Colombie des années 50 à 87, Abad nous fait un récit personnel et réaliste de son pays, pays que son père a passé la majeure partie de sa vie à défendre et à essayer de rendre meilleure. Époque qui, je le rappelle, accueillait des personnages forts sympathique, particulièrement dans les années 80 avec un certain Pablo Escobar (narco-traficante, si). Cette autobiographie en est une sans en être, puisque l'auteur évoque son existence à travers sa famille, parlant plus de celle-ci que de lui-même, du moins il fait la biographie de sa famille en se nommant protagoniste. Le livre raconte avant tout la vie et la mort de son père, ainsi que l'histoire de son pays.

Abad parle de sa vie au sein de sa famille et surtout de son père, de sa relation avec lui, idéalisant l'image paternelle déjà proche de la perfection. Abad qualifie souvent son père comme apaisant, éclairé, aimant, il le porte en haute estime et de ce qu’on peut en lire c'était un homme érudit, bienveillant et idéaliste. Il est pour son fils « un abri », « une protection », « la tranquillité », « un sauveur », « l'acceptation et la tolérance ». N'ayant que très peu de défauts que le fils sut pardonner avec le temps, la douleur de sa mort n'est pas parvenu à briser le lien qu'entretenaient les deux hommes : ils étaient fusionnels et avaient une confiance aveugle l'un envers l'autre. De plus, la personnalité très forte et avant-gardiste de sa famille nous offre une belle image d'un idéal familial, et d'une enfance en grande partie heureuse, avec cependant quelques fêlures et blessures qui ne guériront jamais.

L'écriture est juste magnifique, avec des tournures à couper le souffle... et en parlant de souffle, celui-ci est magistral ! Bien qu'il y ait eu des longueurs à mon goût, la lecture n'en est pas fastidieuse, juste plus longue que la moyenne. En tout cas, c'est un livre incroyablement beau.💓

 

La 4eme de couverture est ici :

 

« Il est très difficile d'essayer de synthétiser ce qu'est L'oubli que nous serons sans trahir ce livre, parce que, comme tous les chefs-d'œuvre, il est plusieurs choses à la fois. Dire qu'il s'agit d'une mémoire déchirée sur la famille et le père de l'auteur - qui fut assassiné par un tueur - est certain, mais cela reste limité et infime, car ce livre est, aussi, une saisissante immersion dans l'enfer de la violence politique colombienne, dans la vie et l'âme de la ville de Medellín, dans les rites, les petites choses de la vie, l'intimité et la grandeur d'une famille, ainsi qu'un témoignage délicat et subtil d'amour filial, une histoire vraie transfigurée par son écriture et sa construction en une superbe fiction, et l'un des plaidoyers les plus éloquents jamais écrits contre la terreur comme instrument d'action politique. » - Mario Vargas Llosa

 

 

Quelques citations :

 

Page 24 : « Maman disait toujours « mes filles » parce que les filles étaient plus nombreuses et cette règle grammaticale qui veut qu'un homme entre mille femmes ramène tout au genre masculin ne comptait pas pour elle. »

Page 29 : « Un jour qu'il savait qu'il n'y aurait ni cours ni mort, on entra dans l'amphithéâtre, qui était très vieux, de ceux qui avaient des gradins tout autour pour que les étudiants puissent bien voir la dissection des cadavres. Au centre de la salle, il y avait une table en marbre, où l'on installait le protagoniste du cours, comme dans le tableau de Rembrandt. Dans ce vide, pourtant, il persistait une certaine odeur de mort, comme une impalpable présence fantomatique qui me fit prendre conscience, à cet instant même, que mon cœur battait dans ma poitrine. »

Page 34 : « Je crois que la seule raison pour laquelle j'ai pu continuer à écrire toutes ces années, et à envoyer mes écrits à l'impression, c'est que je sais que mon père aurait aimé, plus que quiconque, lire toutes des pages de moi qu'il ne put lire. Qu'il ne lira jamais. C'est un des paradoxes les plus tristes de ma vie : presque tout ce que j'ai écrit, je l'ai écrit pour quelqu'un qui ne peut pas me lire, et ce livre même n'est rien d'autre que la lettre adressée à une ombre. »

Page 61 : «  La souffrance, je n'ai commencé à la connaître ni en moi ni chez moi, mais chez les autres, parce que mon père voulait que ses enfants sachent que tout le monde n'était pas aussi heureux et fortuné que nous, et croyait nécessaire que l'on voie, dès l'enfance, la souffrance, souvent provoquée par les malheurs et les maladies associés à la pauvreté de nombreux Colombiens. »

Pages 66 – 67 : « Un autre des débats suscités par son journal, et ensuite à partir de sa thèse de doctorat, fut la qualité du lait et des rafraîchissements. L'hépatite et le typhus étaient encore chose courant à Medellín, quand mon père dénonça l'insalubrité. Ma grand-mère était tombée malade, deux oncles de ma mère étaient morts du typhus sous les effets des eaux usées, ainsi que le père de mon grand-père Antonio à Jerico. C'est peut-être de là que venait l'obsession de mon père pour l'hygiène et l'eau potable ; c'était une question de vie ou de mort, en tout cas une façon de pallier une douleur évitable dans ce monde si plein de douleurs fatales. »

Page 126 : « Entre deux passions religieuses insensées, une masculine de l'école, et l'autre féminine à la maison, je disposais d'un abri nocturne et éclairé : mon père. »

Pages 136 – 137 : « Parfois, quelques rares personnes, ivres de rationalité, en grandissant se mettent à réfléchir et adoptent pendant quelques années le point de vue incroyant, même si elles ont été élevées dans la religion, mais que leur vie devienne fragile, à l'heure de la vieillesse ou de la maladie, les voilà terriblement poussées à rechercher le secours de la foi, incarnée en quelque puissance spirituelle. Seuls ceux qui sont, depuis très tôt dans leur existence, exposés au ferment du doute pourront douter de l'une ou de l'autre de leurs croyances. Avec une difficulté supplémentaire pour celui qui méconnaît la vie spirituelle (êtres et lieux survivant après la mort ou pré-existant à notre propre vie), et ressent, sous l'effet probable d'une certaine agonie existentielle de l'homme, et de notre terrible et torturante conscience de la mort, l'attrait toujours plus fort chez lui pour la consolation d'une autre vie et d'une âme immortelle, capable d'atteindre le ciel ou de transmigrer ; voilà qui donnera plus de cohésion sociale et de sentiment de fraternité entre des personnes éloignées, que l'exclusion froide et désenchantée de toute existence surnaturelle. Nous éprouvons une profonde passion naturelle qui nous attire vers le mystère, et c'est un dur labeur quotidien que d'éviter ce piège et cette tentation permanente de croire en une indémontrable dimension métaphysique, de croire que les hommes sont des êtres sans commencement ni fin, à l'origine de toute chose, et en d'impalpables substances spirituelles ou âmes qui survivent à la mort physique. Parce que si l'âme équivaut à l'esprit, ou à l'intelligence, il est facile de démontrer (il suffit d'un accident cérébral, ou des abîmes obscurs de la maladie d'Alzheimer) que l'âme, comme le dit un philosophe, non seulement n'est pas immortelle, mais qu'elle est bien plus mortelle que le corps. »

Pages 139 – 140 : « Pendant ces décennies, il dut souffrir à maintes reprises les attaques des conservateurs, qui le tenaient pour un gauchiste nocif pour les étudiants, dangereux pour la société et trop libre penseur au regard de la religion. Et ensuite, à partir de la fin des années 70, il dut subir aussi le maccarthysme, essuyer moqueries et vexations, et les critiques incessantes des gauchistes qui remplacèrent les conservateurs à certains postes clés de l'université, et qui le voyaient comme un bourgeois tiède et incorrigible parce qu'il n'était pas d'accord avec la lutte armée. »

Pages 147 – 148 : « Par certaines de ces lettres que je conserve encore, et par le souvenir des centaines et des centaines de conversations que j’eus avec lui, j'ai pu me rendre compte qu'on ne naît pas bon, loin de là, mais que si quelqu'un tolère et dirige notre mesquinerie innée, il est possible de mener sa barque dans des voies non néfastes, voire de lui faire changer de sens. On ne vous apprend pas à vous venger (car nous naissons avec des sentiments vindicatifs), mais on vous apprend à ne pas vous venger. On ne vous apprend pas à être bon, mais on vous apprend à ne pas être méchant. Je ne me suis jamais senti bon, mais je me suis rendu compte que souvent, grâce à l'influence bénéfique de mon père, j'ai pu être un méchant qui n'exerce pas, un lâche qui surmonte non sans mal sa couardise et un avare qui maîtrise son avarice. Et ce qui est le plus important, s'il y a quelque chose d'heureux dans ma vie, si j'ai quelque maturité, si je me comporte presque toujours de façon décente et plus ou moins normale, si je ne suis pas asocial et si, bien que j'aie supporté des violences et des peines, je suis resté encore pacifique, je crois que c'est simplement parce que mon père m'aima tel que j'étais, un paquet amorphe de bons et mauvais sentiments, et il me montrer le chemin pour tirer le meilleur parti de ce mauvais naturel humain que nous partageons peut-être tous. Et bien que n'y parvenant pas toujours, c'est par son souvenir que je tente presque toujours d'être moins mauvais que ce à quoi me pousse mes penchants naturels. »

Page 164 : « Je me rappelle, lorsque mon père revenait, après ce qui était pour moi des années d'absence orpheline, d’Indonésie ou des Philippines (j'ai su plus tard que ces absences avaient duré en tout quelque 15 à 20 mois, répartis en plusieurs étapes), la profonde sensation qui m'envahit c'est à l'aéroport, avant de le revoir. C'était une sensation de peur mêlée d’euphorie. C'était comme l'agitation que l'on ressent avant de voir la mer, lorsqu'on respire dans l'air ses proches effluves, et que l'on entend le rugissement des vagues au loin, mais sans rien voir encore, seulement en le devinant, en le pressentant, en l'imaginant. »

Page 167 : « Mon père et ma mère s'opposaient dans leurs croyances et leurs comportements, mais se complétaient dans la vie quotidienne avec des gestes très amoureux. Il y avait un contraste si net d'attitude, de caractère et de formation entre les deux que, pour l'enfant que j'étais, cette différence radicale entre mes modèles de vie m'apparaissait comme une devinette difficile à déchiffrer. Lui était agnostique, elle presque mystique ; il détestait l'argent et elle la pauvreté ; il était matérialiste dans le domaine de l'au-delà et du spirituel, tandis qu'elle laissait le spirituel pour l'au-delà et, quant aux choses terrestres, elle poursuivait les biens matériels. Cette contradiction, pourtant, ne semblait pas les éloigner, mais plutôt les attirer l’un vers l'autre, peut-être parce qu'ils partageaient de toute façon un noyau d'éthique humaine auquel ils s'identifiaient.»

Pages 173 – 174 : « Mon père, qui selon les jours se déclarait agnostique, ou croyant en l'enseignement humain de Jésus, ou athée sur terre (car en avion il se convertissaient momentanément en se signait au moment du décollage), ou athée convaincu, de ceux qui rient des curés et font des recherches scientifiques et éclairées sur les plus absurdes superstitions religieuses, était en revanche tourmenté par la vie sociale et spirituelle. Il avait de grands élans d’idéalisme, qui duraient chez lui des années vouées à des causes perdues, comme la réforme agraire ou les impôts sur la terre, comme l'eau potable pour tous, la vaccination universelle ou les droits de l'homme, sa dernière passion intellectuelle, qui le conduisit au sacrifice ultime. Il entrait dans des abîmes de fureur et d'indignation devant les injustices sociales, et vivez généralement plongé dans des sujets importants, de ceux qui s'écartait bah dis donc le plus de la vie quotidienne et réclamaient un changement, une transformation progressive de la société. »

Page 181 : « Par leur exemple, mes sœurs et moi savons aujourd'hui qu'il y a une seule raison qui vaille la peine de rechercher l'argent : pouvoir conserver et défendre à tout prix l'indépendance d'esprit, sans que personne puisse nous soumettre à un chantage de travail qui nous empêche d'être ce que nous sommes. »

Page 204 : « Jamais, même quand je changeais quatre fois d'études, ou quand on m'expulsa de l'université pour avoir écrit contre le pape, ou encore quand je devins chômeur avec déjà une petite fille à charge, quand je m'en allai vivre avec ma première femme hors mariage, jamais je n'entendis de sa part la moindre censure ou protestation, mais au contraire l'acceptation la plus tolérante et ouverte de ma vie et de mon indépendance. »

Pages 242 – 243 : « Il me disait toujours : ‘Vous devez être fort, et aider votre père, qui est démoli. Soyez fort et aidez le.’ Moi je faisais oui de la tête, mais ne savait comment être fort, et encore moins comment je pourrais aider mon père. »

Pages 247 - 248 : «  Ce n'est pas la mort qui emporte ceux que nous aimons. Au contraire, elle les garde et les fige en leur jeunesse adorable. ce n'est pas la mort qui dissout l'amour, c'est la vie qui dissout l'amour. » - Paroles de la mère

Page 253 : « Et ma mère et mes sœurs eurent cette consolation, qui m'est si étrangère, qui donne l'espoir en une justice surnaturelle établie dans un autre monde, et en une récompense pour les bonnes œuvres, avec de possibles retrouvailles dans une autre vie. Moi, cette consolation je ne l'ai pas éprouvée, ni ne peut l'avoir, mais je la respecte comme quelque chose d'aussi enraciné chez nous que le bon appétit ou que l'orgueil pour tout ce que mon père a fait durant son passage dans ce monde. »

Page 258 : « Si l'on me tuait pour ce que je fais, est ce que ce ne serait pas une belle mort ? » - Paroles du père

Page 279 : « Et qui, le dernier jour de classe, alors que je lui faisais mes adieux avant de retourner en Colombie, me dit : ‘Hector, je te le dis très sérieusement, je t'en prie ne cesse jamais d'écrire.’ Cela me parut fort étrange, car c'était comme me suggérer de ne pas cesser de vivre. »

Page 280 : « C'est comme si, de toute façon, à la fin de l'adolescence, vous n'aviez plus besoin d'un allié, mais d'un antagoniste. Sauf qu'il était impossible de me disputer avec mon père, de sorte que la seule manière de m'imposer à lui était de le faire disparaître, dussé-je en perdre la vie. »

Pages 321 – 322 : « Pour moi, progressivement, il m'est chaque fois plus évident que ce que j'admire le plus c'est la beauté. Il n'est pas vrai que je sois un scientifique, comme je l’ai prétendu - sans y parvenir - toute ma vie. Ni un homme politique, comme je l'aurais aimé. Peut-être que si je me l'étais proposé j'aurais pu devenir un écrivain. mais tu commences maintenant à comprendre et à sentir tout l'effort, le travail, l'angoisse, l'isolement, la solitude et l'intense douleur que la vie exige de celui qui choisit ce difficile chemin de la création de la beauté. » - Paroles du père

Page 389 : « Si les mots transmettent en partie nos idées, nos souvenirs et nos pensées - et nous n'avons pas trouvé jusqu'à présent meilleur véhicule pour le faire, au point qu'il en est encore qui confondent langage et pensée -, si les mots tracent une carte approximative de notre esprit, une bonne partie de ma mémoire a été transportée dans ce livre, et comme nous les hommes sommes tous frères, dans un certain sens, parce que notre façon de sentir est presque identique, j'espère avoir en vous, lecteurs, des alliés, des complices, capables de jouer sur les mêmes cordes dans cette caisse obscure de l'âme, si pareil chez tous, qui est l'esprit que partage notre espèce. »

 

Genre : Autobiographie

 

Ma playlist :

Sad Post-Rock Songs That Make You Sadder – Worldhaspostrock → Youtube

Amiina – Thoka

Sigur Ros – All Alright

Dirty Three – Lullaby For Christie

Mono – Memorie Dal Futoro

Long Hallways – I Still Believe In Us (album)

Sownbones – Helpless (album)

Ben Haskins – Nightlights (album)

Lament – Morris (album

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